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B comme La Bibliothèque du Père Noël

 

Salut moi c'est Léo. Et je vais vous raconter mon histoire.

J'adore les bibliothèques ! On m'appelle « le rat de bibliothèque », mais ça ne me dérange pas. Je ne suis pas le genre de garçon coincé qu'on imagine : je connais les ninjas, les samouraïs, les dragons, Super Mario... Bref, je lis de tout ! En tout cas, j'adore ces endroits paisibles sans bruit. Le parfum des livres raconte leur histoire et nous invite au voyage.

En fait, c'est ça. J'adore voyager !

Les quelques fois où l'on voyage pour de vrai avec mes parents, on file tous voir la bibliothèque de la ville. Il y en a des super grandes qui racontent déjà à elles seules une histoire. Mais comparée à celle du Père Noël, elles ne font pas le poids. Loin de là. La plus grande des bibliothèques du monde ne pourrait même pas rivaliser. Elle a... Comment dire ? Ce quelque chose de magique... Mais je ne vais pas vous spoiler.

Bien. Comme j'adore les livres, je passe souvent du temps dans l'ancienne cabine téléphonique, devenue une mini-bibliothèque. Un soir, j'avais fini mon dernier livre. Il devait être près de 21 heures. C'était vendredi soir et mes parents dormaient déjà. J'ai été pris d'une envie irrépressible d'aller m'en chercher un nouveau. La cabine téléphonique étant à deux pas, j'ai descendu discrètement les escaliers, ouvert la porte et je suis sorti. Avec ma lampe de poche super-héros, la nuit ne me fait pas peur. Je me sens comme un super-combattant.

Je m'approche de la cabine. J'ouvre la porte. J'oriente ma lampe vers les livres, mais je me rends vite compte qu'elle est inutile. On dirait que la cabine est illuminée. Je cherche l'explication à l'extérieur, pourtant je sens que la réponse est ailleurs, plus proche. À l'intérieur même. En effet, aucune lanterne n'éclairait mon chemin et la lumière semblait bleutée.

Je m'oriente alors vers cette étrange lueur. Soudain, j'aperçois comme une sorte d'ouverture derrière les étagères de livres. Un endroit bien improbable et illogique. Même si tout cela n'a aucun sens, la curiosité me gagne. Et si c'est un rêve, alors tout s'explique et je suis en sécurité. J'agrandis la brèche et m'y engouffre.

Un tourbillon de lumière m'aspire. Je ferme les yeux. Quand je les rouvre, j'atterris en face d'une bibliothèque à première vue petite et médiocre. Je semble être dans la cour de celle-ci. Je m'approche et ouvre la porte.

Devant moi : un toboggan.

Pas d'escalier, pas d'ascenseur. Juste ce toboggan géant qui plonge dans l'obscurité. Ce qui me ravit ! J'aimerais tant que toutes les bibliothèques aient ce moyen de locomotion. Je glisse sur son long toboggan tortueux et pourtant très rapide. Le plastique crisse sous moi. J'entends des rires lointains et des murmures de voix qui racontent des histoires. Des images, des odeurs, des sensations défilent, nous invitant déjà au voyage.

Arrivé en bas, j'atterris avec un grand "plouf" sonore dans une piscine de boules en plastique de toutes les couleurs. Les boules cliquètent autour de moi tandis que je me fraye un chemin. Je sors de la piscine et j'arrive au centre de la bibliothèque.

Je suis surpris par la grandeur des lieux. Petite de l'extérieur mais géante de l'intérieur. Je n'en perçois même pas le plafond.

Des livres de différentes tailles volent au-dessus de moi, leurs pages ouvertes. Ils ressemblent ainsi à des oiseaux. L'un d'eux, tout blanc et cotonneux comme un nuage, flotte jusqu'à moi. Je tends la main : il ressemble à de la barbe à papa ! J'en croque un morceau. C'est sucré, fondant, avec un goût de vanille et de pages fraîchement imprimées. Délicieux !

D'un seul coup, un autre livre m'observe. Sa couverture ressemble à du bois ancien sculpté, avec des motifs de portes et de fenêtres gravées. Des lettres dorées brillent doucement à sa surface. Il vole dans ma direction. En s'approchant, il grandit, grandit encore, jusqu'à devenir aussi grand qu'un tapis volant. Il me soulève, me met sur son dos, et me voilà en train de voler sur un livre.

C'est sûr. Je dois rêver.

Alors que cet étrange oiseau continue de s'élever, j'observe différents personnages se promener dans les rayons de la bibliothèque : un nounours, une jeune fille aux boucles d'or, Pinocchio se cognant à chaque recoin à cause de son long nez... J'entends chanter. Je sens la cannelle, le chocolat chaud et le papier ancien. En tout cas, tout est normal puisque je me trouve dans un rêve.

Mon nouvel ami se dirige vers une grande fenêtre sur la droite. Nous la traversons ensemble comme si elle n'existait pas. Le vent siffle à mes oreilles. Mes cheveux volent dans tous les sens.

J'observe ce splendide paysage et remarque que nous nous rapprochons de gigantesques et somptueuses bibliothèques. Je visite la première, puis une deuxième, puis une troisième. Toutes ces bibliothèques avec de sublimes statues, des vitraux éblouissants, des arcades majestueuses, une bibliothèque en forme de bulle. Qui dit mieux ?

Puis nous retraversons la fenêtre. Mon livre-bibliothèque ralentit et se met à planer. Soudain, j'aperçois d'autres livres qui volent autour de nous, formant comme un chemin aérien. L'un d'eux attire mon attention : il est noir comme la nuit, noué d'une ceinture blanche qui semble presque briller dans l'obscurité.

Sans réfléchir, je saute. Mes pieds atterrissent sur la couverture souple. Le livre noir file à toute vitesse vers une fenêtre. Nous la traversons ensemble.

Je me retrouve dans un décor de bambous et de toits japonais. Des ombres furtives se déplacent autour de moi. Des ninjas ! Ils bondissent de toit en toit avec une agilité incroyable. L'un d'eux me salue d'un hochement de tête avant de disparaître dans la brume.

Puis nous retraversons la fenêtre. Mon livre noir ralentit et se met à planer. Au loin, j'aperçois un livre dont la couverture ressemble à une armure de samouraï : des plaques de métal laquées rouge et noir, attachées par des cordons dorés. Je reste en équilibre, attendant patiemment qu'il s'approche. Dès qu'il passe à ma portée, je bondis.

Le livre-samouraï traverse une nouvelle fenêtre. Le paysage change. Des cerisiers en fleurs bordent un chemin de pierre. Un samouraï en armure complète s'entraîne au sabre, ses mouvements précis et puissants. Le cliquetis du métal résonne dans l'air. Il s'arrête, me regarde, et s'incline respectueusement avant de reprendre son entraînement.

Nous retraversons la fenêtre. Le livre-samouraï ralentit à son tour. C'est alors que j'en remarque un particulièrement appétissant : sa couverture est couleur chocolat au lait, avec des bordures dorées qui scintillent. Un marque-page dépasse de ses pages, semblable à un ticket doré brillant.

Je saute une nouvelle fois.

Nous traversons la fenêtre ensemble. Je me retrouve debout dans une salle immense. L'air est chaud et saturé d'une odeur enivrante de cacao. Devant moi coule une cascade de chocolat fondu, épaisse et brillante, qui se déverse dans une rivière d'un brun profond. La vapeur qui s'en échappe sent le sucre caramélisé et le lait crémeux. Je m'approche du bord. Le chocolat tourbillonne, épais comme de la lave, et des bulles éclatent à sa surface en libérant des parfums de noisette et de vanille.

Je trempe un doigt dans la rivière. C'est chaud, onctueux, velouté. Je le porte à ma bouche : c'est le meilleur chocolat que j'aie jamais goûté, riche et profond, avec juste ce qu'il faut d'amertume. Les arbres autour de moi portent des bonbons comme des fruits. Des champignons en guimauve poussent sur les berges. Tout est comestible, tout est merveille.

Puis nous retraversons la fenêtre. Je me retrouve à nouveau dans les airs, sur mon livre volant, tandis que nous continuons notre voyage.

Le livre me fait comprendre que je peux également inviter mon personnage préféré chez moi. J'ai toujours rêvé d'avoir un ami ninja, quelqu'un de sage et courageux. Personne ne le verrait sauf moi. Il serait comme une voix pour me guider. Avec lui, je ne me sentirais jamais seul. Si je me pose des questions, il saura y répondre.

Mon ninja m'accompagne. Il pose sa main sur mon épaule, même si je ne la sens pas vraiment. C'est une présence rassurante. Je grimpe dans un ascenseur ventilateur, une cabine transparente avec d'immenses pales qui tournent au-dessus de nous. Je m'élève. Je m'envole.

Et me voilà juste à côté de la porte de sortie de la bibliothèque. Je franchis la porte et débouche dans la petite cour. Je regarde autour de moi. Au-delà de la cour, juste à l'entrée du terrain, se dresse une pancarte en bois sculpté, avec des lettres qui scintillent d'un rouge ondulé. Et là, que vois-je ?

Pôle Nord, pays de Santa Claus.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. La bibliothèque du Père Noël ! J'y étais vraiment !

Je cherche comment rentrer chez moi. Mon regard se pose sur un vieux livre posé sur un petit socle de pierre, juste à côté de l'endroit où je suis arrivé. Je m'approche. Sur sa couverture, le dessin d'une cabine téléphonique brille doucement. Je tire sur le livre comme on tire sur un levier. Un déclic se fait entendre. L'ouverture lumineuse réapparaît. Mon ninja me salue d'un geste respectueux. "À très bientôt", semble-t-il me dire. Je m'y engouffre et je suis de retour dans la cabine téléphonique. Je rentre chez moi en toute discrétion.

Il me tarde d'y retourner et d'y découvrir encore plus de surprises dans cette bibliothèque. D'ailleurs, tout au long du mois de novembre, j'y suis retourné plusieurs soirs par semaine. À chaque visite, j'étais de plus en plus émerveillé. Mon personnage-guide changeait très souvent. Tantôt un pirate, tantôt un astronaute, tantôt un chevalier. J'avais toujours un nouvel invité avec moi.

Et maintenant que je traverse de nouveau la porte en ce début de décembre, que va-t-il se passer ?

© Ninie Mayor 2025